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Extraits d'une conférence de R. Steiner

Dornach, le 25 juin 1922

L'homme moderne qui a été formé uniquement sur la base de la conscience matérialiste, ne fait que décrire les choses physiquement. Il dit: il y a des éclipses de Soleil; une éclipse, de Soleil a lieu lorsque la Lune se trouve entre le Soleil et la Terre et fait écran aux rayons du Soleil qu'elle occulte. Une explication physique empruntée à la physique élémentaire. S'il y a là une source de lumière et là un oeil et que je mette ma main devant ce dernier, la lumière est obscurcie. Une explication purement spatiale. Mais la conscience moderne s'en tient là. Il nous faut nous frayer un chemin jusqu'à une connaissance des choses qui, si elles apparaissent non pas tous les jours mais rarement, n'en possèdent pas moins leur aspect spirituel.

Lors d'une éclipse de Soleil, quelque chose se produit, dans les conditions modifiées de la partie de la Terre sur laquelle porte l'éclipse, qui est tout à fait différent de ce qui est en l'absence d'éclipse de Soleil. Lorsque nous savons que les rayons du Soleil affluent vers nous et que les rayons de la volonté montent en direction du Soleil, nous pouvons aussi nous représenter quelle influence peut avoir une éclipse de Soleil sur les rayons de la volonté, qui sont de nature spirituelle. La Lune arrête les rayons de lumière, c'est là un processus purement physique. Les rayons de la volonté ne peuvent être arrêtés par la matière physique de la Lune. Ils entrent dans l'obscurité, et vient alors un moment, même bref, pendant lequel ce qui est de nature volontaire sur la Terre, se déverse dans l'espace d'une autre manière qu'en l'absence d'éclipse de Soleil. D'ordinaire, l'élément physique de la lumière solaire se lie toujours aux rayons émis par la volonté. Dans le cas d'une éclipse de Soleil, les rayons de la volonté se déversent sans obstacle sous forme d'un cône dans l'espace. Les anciens initiés le savaient : en pareil cas, se met en mouvement dans l'espace tout ce que l'être humain nourrit en lui de volonté indomptée, d'instincts et de pulsions effrénés. Et les anciens initiés ont expliqué à leurs élèves : dans des conditions normales, ce que la volonté négative des hommes émet dans l'espace est consumé en quelque sorte par les rayons du Soleil, si bien que cela ne nuit qu'à l’homme mais n'engendre aucun dégât dans l'univers. Mais une éclipse de Soleil donne l'occasion à la méchanceté terrestre de se répandre dans l'univers entier. Nous avons là un phénomène physique tout à fait chargé d'un contenu spirituel.

Et une fois encore, en cas d'éclipse de Lune, la conscience moderne dit: la Terre se trouve entre le Soleil et la Lune, c'est pourquoi l'on voit l'ombre de la Terre sur la Lune. C'est là une explication physique. Mais là encore, l'ancien initié savait qu'existe à la base un phénomène spirituel : pendant l'obscurcissement de la Lune, les pensées descendent à travers les ténèbres et ont donc une relation plus intime avec le subconscient qu'avec le conscient de l'homme. Et les anciens initiés ont souvent dit sous forme de parabole à leurs élèves - je traduis en termes modernes: les hommes passionnés vont se promener à la clarté de la pleine lune, mais ceux qui veulent recevoir de l'univers des pensées diaboliques et non des pensées bienfaisantes, vont se promener au moment d'une éclipse de Lune.

Et de nouveau, nous aboutissons à un contenu spirituel à partir d'un phénomène physique. Reprendre tout cela sous l'ancienne forme nous mènerait à la superstition. Mais nous devons à nouveau parvenir à reconnaître le spirituel dans certains phénomènes physiques importants. Car, en réalité, lorsque les éclipses de Soleil et de Lune se répètent chaque année, ce sont dans une certaine mesure des « soupapes opposées », si je puis dire. Les soupapes sont aménagées pour éviter tout dommage, en s'ouvrant à temps pour pouvoir par exemple laisser échapper la vapeur. Ces soupapes, qui apparaissent sous forme d'éclipses de Soleil et de Lune dans les phénomènes célestes, sont précisément là pour que ce qui, dans le cas d'une éclipse de Soleil, se répand sur la Terre sous forme de méchanceté, soit porté dans l'espace sous l'influence luciférienne et continue à y porter le malheur, tandis que les éclipses de Lune sont prévues pour que les mauvaises pensées de l'univers puissent parvenir jusqu'aux êtres qui veulent tout particulièrement être possédés par de mauvaises pensées. On ne participe pas à ces phénomènes avec une pleine conscience de ce qui se passe, mais ces faits existent réellement, ils sont aussi réels que l'attraction qu'exerce un aimant sur certaines particules de fer. Ce sont des forces qui agissent dans l'univers tout comme celles que nous étudions aujourd'hui en hôpital ou dans les laboratoires de physique ou de chimie.

Et l'humanité ne se délivrera pas de ses forces de déclin avant d'avoir retrouvé un coeur et une sensibilité pour cette action spirituelle. À ce moment là, s'épanouiront pour l'humanité des représentations authentiques sur la vie et la mort. Profondément plongée dans les ténèbres, l'humanité actuelle a grandement besoin de ces représentations. Il faudra réapprendre quelle est la véritable signification de la lumière que nous envoie le Soleil. Lorsque le Soleil nous envoie ses rayons, il dégage en quelque sorte l'espace autour de nous, afin de préparer les voies qu'emprunteront les âmes des défunts pour se rendre dans les lointains de l'univers.

Lorsque le Soleil envoie ses rayons vers la Terre, la Terre envoie ses âmes dans les vastes espaces de l'univers. Celles-ci s'envolent par rayonnement dans l'espace lorsque les hommes meurent. Et elles subissent des transformations dans ces lointains espaces.

Nous apprenons aujourd'hui l'astronomie, l'analyse spectrale etc. Nous apprenons comment les rayons du Soleil pénètrent jusqu'à la Terre et croyons ainsi avoir fait le tour de la question. Nous apprenons comment les rayons du Soleil touchent la Lune pour être ensuite réfléchis sur la Terre et regardons de cette manière physiquement la clarté de la Lune. Tout cela occupe notre intelligence. Mais le savoir intellectuel ne signifie pas grand chose. Le savoir intellectuel isole l'homme de l'univers, ne lui donne pas la vie, la vie intérieure de l'âme. Cette vie intérieure de l'âme, l'homme ne peut la reconquérir que s'il établit un rapport réel, spirituel et psychique avec l'univers.

Lorsque les hommes réapprendront à ressentir les phénomènes naturels de cette manière, en étant concrètement imprégnés de spirituel, alors il y aura à nouveau sur terre un savoir qui sera en même temps une religion et il y aura de nouveau une connaissance qui sera également foi. Car ce savoir qui n’a puisé que dans l'élément physique et matériel, ne pourra jamais devenir une religion. Et la religion qui ne naît que d'une foi et non d'une connaissance, ne peut jamais s’unir harmonieusement avec la perception qu'a l'homme de l'univers. Les hommes répètent aujourd'hui les antiques prières et lorqu'on affirme qu'un profond sens spirituel existe dans ces anciennes prières, comme je l'ai décrit notamment dans le petit livre sur le 'Notre Père', les hommes très avisés d'aujourd'hui affirment : tout cela n'est que rêve, pure fantaisie. Ce n'est pas pure fantaisie. Ces propos sont basés sur la connaissance du fait que toutes ces prières, transmises aux hommes depuis toujours par la tradition, reposent sur un enseignement approfondi des rapports d'interdépendance au sein de l'univers. Mais nous devons à nouveau parvenir par notre propre connaissance à cet état dans lequel s'établit un rapport quasi religieux avec tous les phénomènes se produisant dans l'univers.

De cette manière, nous retrouvons les rapports entre ce qui luit et rayonne dans l'univers et ce qui vit et agit dans l'humanité elle même. Et nous ne dirons plus de façon irréfléchie: au dehors se trouve l'univers physique avec ses substances et l'on ne sait pas ce que fait l'âme humaine lorsqu'elle se sépare du corps physique dans cet univers purement matériel ; au contraire, nous saurons que les rayons du Soleil qui, en un sens, se frayent un chemin dans l'espace, accomplissent un travail à la rencontre du rayonnement de la volonté humaine ; et ce rayonnement trouve ainsi son chemin à l'endroit où la lumière le lui a préparé. De nouveau nous saurons reconnaître que la douce clarté de la Lune ne répand pas en vain ses ondes sur le monde, mais que quelque chose de spirituel bouillonne et coule à flots à travers l'espace. Si nous sommes un jour capables d'avoir une telle vision des choses, personne ne restera indifférent à ce que l'on peut apprendre en regardant par exemple le comportement de la plante, le matin à l'heure où la lumière de l'aube irradie cette plante. La plante se comporte alors d'une façon très précise: sa sève, qui monte de bas en haut par ses fins vaisseaux, afflue vers ce qui compose la feuille ou la fleur. Les rayons du Soleil qui descendent vers la plante, font alors place aux forces de la volonté terrestre. Et non seulement la sève monte, comme le décrivent aujourd'hui nos physiciens, à travers la plante, mais les forces de la volonté, qui résident au plus profond de la Terre, affluent de la racine vers la fleur. Et le soir, lorsque les feuilles s'enroulent et se ferment, lorsque les rayons du Soleil ne préparent plus la voie aux courants de la volonté qui montent de la terre, la plante cesse toute activité intérieure, sa vie est mise au repos. Mais elle est également exposée à la douce lumière de la Lune, qui exerce une influence non seulement sur les amoureux mais aussi sur la plante mise au repos. Dans celle-ci en effet, agit la pensée céleste qui descend avec la lumière lunaire vers la plante.

Ainsi apprend-on à considérer la plante comme un ensemble dans lequel s'interpénètrent étroitement volonté terrestre et pensée céleste. L'on observe cette interpénétration dans chaque plante.

Et si l'on apprend à reconnaître comment les forces de guérison venues du principe spirituel s'infiltrent dans les pensées célestes et la volonté terrestre, alors ces forces de guérison se révèlent à chacun et l'on peut discerner la vertu thérapeutique de chaque plante. Mais seule une connaissance approfondie des phénomènes célestes permet de reconnaître le principe curatif d'une plante.

C'est quelque chose que nous devons reconquérir et nous devons reconquérir bien plus encore. Si nous regardons la tête de l'homme, elle est faite à l'image de la Terre. Et c'est elle qui se forme la première dans l'embryon humain, le reste étant pour ainsi dire rajouté. Lorsque la tête humaine est traversée par les rayons lumineux (et elle l'est effective­ment par la lumière solaire) ce qui, dans la tête humaine, est apparenté à la volonté terrestre se répand dans le tout de façon particulièrement vivace.

Considérons maintenant une racine de plante en laquelle est intensément concentrée la volonté terrestre ; nous pouvons alors savoir que cette racine est bel et bien soustraite en permanence aux rayons du Soleil, que cette racine est exposée de manière très intense à la lumière de la Lune, qui, aussi faible que soit son rayonnement sur la Terre, pénètre néanmoins celle-ci et parvient jusque dans les racines de la plante. Si l'on approche de la plante un élément issu de la lumière, en brûlant ses racines pour en prendre les cendres et les réduire en poudre, nous pouvons alors comprendre à travers les phénomènes cosmiques comment la poudre provenant de telle ou telle racine de plante peut agir sur la tête de l'homme, dont les forces de volonté sont semblables à celles de la Terre. L'objectif est d'approfondir partout le lien existant entre la matière et le spirituel, qu'il s'agisse de la moindre particule ou de la plus énorme masse de matière. On poura alors faire ce qui n'est aujourd'hui possible que par l'intermédiaire des mathématiques : on pourra appliquer à la nature entière ce que l'on saisit de façon purement intellectuelle.

On n'en sait actuellement pas plus que cela : un cube se compose de six faces carrées. On peut élaborer cela par la pensée, c'est une construction de la pensée. Si l'on prend le sel, le sel ordinaire de cuisine, il donne une illustration de ce qu'est ce cube dans la nature. Dans ce cas là, ce que l'on pense, l'abstrait, coïncide avec ce qui est matériel, extérieur. Mais, je vous le demande : que savent aujourd'hui les hommes à propos de la part des forces de volonté spirituelles, des forces de pensée célestes ou terrestres et des forces de volonté contenues dans une racine de plante ? Et pourtant, c'est le même processus que nous accomplissons aujourd'hui par une abstraction poussée, lorsque nous élaborons le cube par la pensée et que nous le retrouvons dans le chlorure de sodium, le sel de cuisine.

Ce que nous ne faisons aujourd'hui qu'avec les mathématiques, il nous faut le faire avec tout ce que l'âme humaine est capable de concevoir. Rares sont les hommes à qui les mathématiques inspirent un état d'âme rempli de piété. Pour des hommes aussi enclins à la méditation que Novalis, il était possible de tirer même des mathématiques, qu'il ressentait comme un grand et merveilleux poème, un état de piété. Mais tel n'est pas le cas pour la majorité des hommes. En général, on rencontre peu d'hommes qui deviennent pieux en faisant des mathématiques. Mais en allant plus loin, en tirant de l'être humain l'autre chose, le spirituel, et en le portant dans le monde, - où il se trouve d'ailleurs déjà, on ne fait que prendre à nouveau conscience de son existence -, la science rejoint le sentiment religieux et l'harmonie entre religion et science est vraiment établie. Voilà, chers amis, ce que je voulais dire aujourd'hui à vos coeurs

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